sergeDEFT

recadrée_coquelitoVoici, plutôt qu’une bio soporifique, un courrier de l’auteur qui permet de situer beaucoup plus précisément le « personnage » de sergeDEFT.
Il s’agit de l’une des nombreuses lettres qu’il a envoyées sur une période totale de 3 ans – celle-ci date de 2011 – pour harceler un éditeur avant de lui faire parvenir le manuscrit de DES LARMES COMME DES BANANES.

L’auteur opta au final pour l’autoédition au printemps 2014 pour avoir toute liberté dans la mise en page très particulière qu’il désirait pour son texte. La maison d’édition, destinataire de ce courrier, a disparu depuis.
Pour une meilleure compréhension de ce courrier, MATIN, MIDI ET SOIR s’est immiscé dans cette correspondance afin d’y inclure des notes numérotées renvoyant à des indications en bas de page.

Editions XXXXXXX XXXXX
Xxxxxxx Xxxxxx
XX, rue de Xxxxxxxx
750XX PARIS

Toujours l’Île d’Oléron (1), en mai cette fois.

Salut !

(J’espère que les huitres vous ont bien été livrées(2) — six mois déjà. Ma mère — j’vous ai déjà parlé de ma mère, non ? — dirait :  » c’est fou c’que le temps passe vite ! « )

Ici, comme à Pearl Harbor, une première vague est passée. Et comme il faisait très beau, le soleil a transformé en rôtissoire les contours de l’île. Pour un peu, à quelques degrés près, ça aurait senti le graillon.

Sinon, les soirs de poubelles, les cartons s’empilent devant les boutiques, le commerçant s’affairant toute la journée à cette saison de façon étourdissante ! (On l’observe avec les copains depuis la terrasse du café.) Ça déballe du produit d’importation, ça classe par taille et par pointure, ça étiquette la pacotille, faut voir ça ! Ça doit vérifier encore une fois que le tiroir de la caisse coulisse parfaitement, qu’il ne coincera pas quand ILS seront bien là (3)… et ça s’affute la canine… les beaux surfeurs et les maîtres-nageurs aussi s’affutent, mais pas… euh… bref, ils se préparent quoi, dans leur spécialité.

Mais parlons de moi, parce que vous le savez maintenant — depuis toutes ces années qu’je vous écris — j’adore parler de moi.

J’ai rédigé quelques centaines de feuillets, mais j’hésite toujours… Bien conscient pourtant que dans le temps qui m’est encore imparti — j’ai fêté mes quarante-quatre ans il y a déjà dix ans — il vaut mieux ne plus trop s’attarder.

C’est comme qui dirait un dernier luxe. Un caprice… Un côté immature.

 » Et à quoi bon exécuter des projets, puisque le projet est en lui-même une jouissance suffisante ?  » C’est une citation de ce vieux Charlot (4).

A l’heure où tous les types de mon âge s’affairent à comptabiliser fébrilement leurs points retraite et à prendre un rendez-vous pour un dépistage gratuit du cancer colorectal, j’ai rangé ma guitare (5) et j’ai pris six mois pour mettre sur papier, sous forme de vague roman, tout ce qu’on braille depuis toujours dans des micros, poussé comme par un déséquilibre hormonal de jeune ado qui aurait perduré.

Mon inquiétude taraudante est, je vous le confie, d’être assimilé à ces « retardataires » qui s’achètent des pinceaux et une boîte de couleurs pour se lancer dans la reproduction de cartes postales du Port de la Cotinière (6) sur papier Canson à l’heure où parallèlement ils commencent à s’intéresser aux publicités  » Convention Obsèques  » qui passent à la télé.

Imaginez (Imaginez !) qu’un outrecuidant dise — par exemple — qu’il ne s’agit là que de « littérature andropausée !!! « . Je me verrais — comprenez-moi — dans l’obligation d’aller défoncer sa porte palière pour lui péter les dents de devant afin qu’il révise son analyse et me présente — le bon sens enfin revenu — des excuses (après avoir préalablement craché tout le sang qu’il aura dans la bouche) et une fois sur place, je devrais culbuter sur la table de la salle à manger même pas desservie, son épouse et leurs trois filles (à la suite), juste pour qu’il n’ait pas aussi de fausses idées sur ma virilité. Ce n’est pas parce que la sienne est déclinante qu’il doit en faire une généralité ! Et encore, le chien n’échappant à mes débordements que parce que je s’rais garé en double file.

Il pourrait d’ailleurs en être de même pour un éditeur refusant mon manuscrit.

Bon, j’vous tiens au courant…
… parce que je vous aime bien.

Une dernière chose. Sophie est quand même mieux sans son horrible bonnet (7). Je l’ai d’ailleurs félicitée et nous échangeons depuis (épisodiquement) des mails, qui à défaut d’être torrides, sont bien sympathiques.

Bye.
sergeDEFT

©sergeDEFT – mai 2011

(1) En 2015, l’auteur réside toujours sur l’Île d’Oléron (Charente Maritime)
(2) sergeDEFT alterna, selon son humeur, ses envois postaux, passant de lettres frôlant une forme d’hystérie au ton parfois agressif, à des colis contenant des cadeaux ; bourriche d’huitres, bouteille de Pineau, caramels au sel provenant de la production locale.
(3) L’Île d’Oléron est un haut lieu du tourisme balnéaire du Sud-Ouest de la France.
(4) Charles Baudelaire
(5) Là, sergeDEFT arrange la réalité, l’auteur n’ayant jamais joué de guitare ni d’un autre instrument.
(6) Port de pêche bénéficiant à ce titre d’un intérêt particulier des touristes venant visiter l’Île d’Oléron.
(7) sergeDEFT parle ici d’une jeune auteure publiée par l’éditeur auquel il adresse la lettre ci-dessus. Il fait allusion à la photo – où on la voyait coiffée d’un gros bonnet de laine – qui illustrait sa bio sur le site de la maison d’édition. Ce bonnet déclencha chez sergeDEFT la rédaction de nombreux courriers pour marquer son mécontentement sur le choix de la photo choisie. Sur sa lancée, il envoya des mails à ce sujet à l’écrivaine elle-même.
La photo fut changée pour la promotion de son second ouvrage, la romancière apparaissant sans couvre-chef cette fois.

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3 réflexions au sujet de « sergeDEFT »

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